« Ibn Rwanda, l’algérien-djiboutien » a été rappelé à son créateur, le lundi 7 novembre 2016. « Il est parti paisiblement dans son sommeil, en milieu de matinée » nous a confié sa veuve, Mme Fatma-Zohra Furaha, née IGHILI, professeur de philosophie de son état. Médecin, philanthrope, homme de lettre, passionné de philosophie et de poésie, Feu Furaha était un homme simple. Il était apprécié pour son humanité, pour sa générosité, respecté et admiré par ses pairs et de larges franges de la population Djiboutienne. Il laisse derrière lui un immense chagrin parmi sa famille, ses proches et son entourage. Sur les réseaux sociaux, d’aucun salue encore la mémoire de cet homme de bien au cœur immensément généreux qui a toujours donné sans compter, comme en témoignent ses pairs, ses anciens patients et ses innombrables amis et connaissances… « La Nation » a voulu s’associer à cet hommage en dressant le portrait de cet Africain dans l’âme, cet homme-continent…qui reste difficile à cerner.
Feu Furaha KHABIBI JUSTIN est arrivé à Djibouti en Octobre 1993 rejoindre son frère qui s’était installé au pays après une union avec une Djiboutienne. Frère qu’il avait quitté au Burundi dans les années 1976 après avoir fui leur pays, le Rwanda, en proie à des exactions de la communauté des Hutus sur les étudiants Tutsis, « dans les mille et une écoles de la colère », aimait-il à dire ! Grâce à une bourse d’étude du gouvernement Burundais, il entame des études de médecine générale en Algérie avant de se spécialiser en neurochirurgie. Diplômé, il s’installe au pays en tant que résident et exerce dans les hôpitaux universitaires d’Alger « Mustapha Pacha », « Salim Zemirli » et de « Bab El Oued » dans les services de neurochirurgie jusqu’en 1993. Il publie avec le Professeur Abdennabi, et le Dr Cheti plusieurs publications de neurochirurgies sur les dizaines de patients hydrocéphales qu’ils ont opéré ensemble. Il se marie avec une Femme algérienne qui lui donne un enfant. Le voilà père de deux enfants, l’un de 31 ans d’un précédent mariage, aujourd’hui installé au Canada, et sa fille âgée aujourd’hui de 24 ans installée avec lui à Djibouti.
Qui était Dr Furaha Khabibi Justin?
Feu Furaha KHABIBI JUSTIN s’est éteint paisiblement dans son sommeil lundi 7 novembre 2016 à l’âge de 67 ans suite à une longue maladie qui l’a cloué au lit ces deux dernières années et demie [Insuffisance rénale chronique avec dialyse]. Faire le résumé de ses 67 années passées sur Terre n’est pas une tâche aisée, tant l’homme a vécu et traversé une vie tumultueuse, pleine d’aventures, de mésaventures et profondément marquée par le sceau et les stigmates de la tragédie Rwandaise de ces dernières décennies. Les événements dans son pays, le Rwanda, Feu Dr Furaha les aura vécues dans sa chair, et son âme. Son parcours et son histoire personnelle se confondent dans les soubresauts de l’histoire récente du Rwanda. Et pour cause !
Dr Furaha était Tutsi du Rwanda, sa « Rwandalousie » il a fuit le génocide par les machettes dans son pays et a trouvé refuge au Burundi voisin. Pour quelque chose malheur est bon, dit-on. Le jeune FURAHA, jeune étudiant studieux et passionné de médecine accède à une bourse d’étude offerte par le gouvernement Burundais. Il part faire ses études de médecine en Algérie durant 16 ans. Son second exil et son premier pays d’adoption et de cœur, dira-t-on ! Mais, le sentiment d’apatridie est très pesant et il doit prendre son mal en patience et s’accommoder de la maigre bourse du gouvernement Burundais et de la nourriture dans les hôpitaux, où il passe le plus clair de son temps. Le jeune interne Furaha est passionné de médecine, c’est un étudiant studieux et appliqué dans tout ce qu’il entreprend. Devenu médecin, il se distingue par la qualité de son travail, et obtient en 1990 sa naturalisation. Devenu Algérien, il se marie avec une Algérienne en 1991.
Ces moments de bonheur ne vont pas durer longtemps, la vie va l’éprouver de nouveau. L’Algérie, son second pays de cœur, sombre dans le chaos de la décennie noire [1990-2000] avec les exactions des groupes terroristes et la montée de l’extrémisme, et de ses centaines de milliers de morts à la clé. Une fois encore, il doit plier bagages et faire ses adieux à ce beau pays. Avec femme et enfant alors que sa petite fille n’est âgée que d’un an, le destin le conduit vers Djibouti, où il arrive en Octobre 1993. Il est aussitôt affecté à Tadjourah, où il prend la tête du dispensaire comme médecin chef, et son épouse Mme Fatma-Zohra Furaha va enseigner le français au Collège de la ville blanche. Dr Furaha est seul médecin en exercice dans toute la région.
La tâche est immense car il doit assurer une couverture médicale à tous les habitants de la ville et de la région. Les militaires des Forces Armées Djiboutiennes (FAD), les hommes de la Police nationale, sont tous ses patients. Mais il doit également veiller au bon fonctionnement d’un service d’hospitalisation d’homme, un autre de femmes, de la maternité au service des antituberculeux, du service d’urgence, des consultations, des évacuations sanitaires par hélicoptères des FAD car la région est troublée par les événements de 1991 à 1994 et la route nationale 1 est fermée. Ses journées se passent à l’hôpital car il doit remplir toutes ces tâches. Mais l’homme a déjà le cuir épais car il en a vu des vertes et des pas mûres.
Dr Furaha s’acquitterra de ses responsabilités avec courage et dévouement. Il voit peu sa famille durant la journée car il ne rentre chez lui qu’en début de soirée, une fois son service fini. Mais aussitôt rentré, le voilà déjà sollicité à nouveau. En 1994, le malheur Rwandais reprend de plus belle, et Furaha le vit dans sa chair, car ses parents (le père est directeur d’école et la maman enseignante) et une grande partie de sa famille sont tués à la machette durant cet affreux génocide. Le spectre de la Guerre le poursuivra encore, quand en 1995, il est affecté à Obock, une ville et une région partiellement détruite par la guerre. Il fallait tout reconstruire, tout réorganiser. Il met du cœur à la tâche et travaille avec beaucoup d’ardeur et d’enthousiasme. Peu à peu, le dispensaire reprend vie, avec la réouverture de tous les services. La réhabilitation de la ville lui apportera beaucoup de joie en 1999, lorsqu’il doit faire ses adieux à ses amis Obockois. Revenu vers la capitale, Djibouti-ville, il est affecté au secteur sanitaire de Farah had-Wéah-Arta-Damerjog tout en enseignant la neurologie à l’école paramédicale. Une vie de bohème qu’il apprécie tant il découvre le pays profond et noue des amitiés partout où il va. Durant ses années passées dans les dispensaires de brousse, les ambulances sont très sollicitées, avec un budget alloué à l’essence ou au gasoil très serré et qui suffit à peine. L’âme généreuse du Dr Furaha, ne se refusera jamais à donner de soi en prélevant sur ses fonds propres.
Après l’effort, le réconfort, dit le dicton. Sa retraite, en 2006, n’est pas un repos de guerrier bien mérité. Il devra désormais prendre en charge la médecine scolaire et il se rend dans les établissements, au plus près des élèves. Il travaille ensuite avec les organismes internationaux comme le CRD, le HCR, USAID, CARE…etc. il donne même des dizaines de consultations gratuites chez lui pour des gens démunis jusqu’à sa maladie qui le surprend brutalement à l’été 2014 et deux ans et demi après l’emporte. A la fin de sa vie, il demande à être inhumé à Djibouti, le pays qu’il a aimé durant ces vingt dernières années. Un hommage émouvant lui a été rendu par plusieurs personnalités publiques et des centaines d’amis, de connaissances et de nombreux anciens patients qui l’ont accompagnés jusqu’à sa dernière demeure au cimetière du Pk12.
Repose en paix docteur Furaha, enfant du pays des mille collines. Que Dieu t’accueille en son paradis éternel. Que cette terre que tu as aimée te soit légère et douce. Tu as beaucoup donné à ce pays, tu lui as donné ton temps, ton savoir-faire, ton amitié, ta fraternité, ton humanité. Et ce pays aujourd’hui s’incline devant toi respectueusement et te remercie pour toutes ces belles années de ta vie offerte dans l’allégresse.
Durant sa maladie, il a écrit des petits carnets sur Djibouti qu’il a demandé à faire publier. Car en plus de ses connaissances en médecine, il était philosophe, littéraire, historien, poète très cultivé, Parlant plusieurs langues africaines et étrangères comme l’anglais, le français, le russe, l’arabe. Historien, surprenant par l’originalité de sa pensée panafricaine, et ses jeux de mots, grand amoureux du monde musulman, de l’Afrique et en particulier de la Corne d’Afrique, curieux de tout, joyeux dans tout, heureux comme savent l’être les gens simples, « les beaux et bons enfants du Taous (le Paon) au mille couleurs, les enfants de l’enthousiasme et de la lumière ‘NOUR’ » comme il aimait à appeler ceux qui comme lui donnent sans compter.
Adieu Docteur,
Fraternellement…
The post Hommage Posthume : Adieu Dr Furaha Khabibi, « le médecin des pauvres » appeared first on La Nation.