Jouer la guitare, le oud, la guitare Bass, les percussions. Compositeur de mélodie et de musique, rien n’a de secret pour lui. Toujours souriant et très accueillant, Aïdarous Abdi Ibrahim est un artiste engagé. Un vrai. De ses doigts magiques et de sa voix unique en son genre, il a fait rêver plus d’une génération. Une vraie bête de scène qui fait partie des artistes les plus appréciés à Djibouti mais également par la diaspora. Après plus de 35 ans de carrière, il continue de cumuler succès après succès.
Entre ferveur et véhémence, tel qu’il nous est apparu en novembre 1992 accroché à sa guitare dans son spectacle au Palais du Peuple avec Steve Young, le musicien-compositeur-interprète Aïdarous Abdi est unique.
Naissance et bio. Nous sommes le 10 février 1958, au premier étage de la maternité Andrieu (actuel hôpital Paul Faure) sise à quartier 3 boulevard Charles-De-Gaulle, on célèbre la naissance d’un petit garçon. Son nom : Houssein Abdi Ibrahim. Cette naissance coïncide avec la cérémonie du «ziyaara» (célébration de la date de décès d’un check yéménite qui s’appelait Aïdarous). Et sur les conseils d’un groupe de femmes de retour de cette cérémonie au Yémen, maman Madina Gouled donna à son bébé le surnom d’Aïdarous. Un surnom qui ne l’a jamais quitté. Le temps passe vite et le petit bout d’homme grandit chaque jour un peu plus.
Fils d’un militaire sous la coloniale, il est le dernier d’une famille de dix enfants, dont cinq filles : Amina, Halimo, Fatouma, Basra et Safia. C’est à partir des chansons qu’elles écoutaient que le petit Aïdarous fredonne en premier la chansonnette. Il n’avait pas encore l’âge d’aller à l’école lorsqu’il commence ses premiers exercices de voix avec des rythmes traditionnels et des chansons comme “Twist in the night away” de l’américain noir Sam Cook ou “Khaaf minAllaah” du Soudanais Mohamed Wardi.
A l’école, Aïdarous est doué. Il use d’abord ses fonds de culottes à l’école du Stade avant de rejoindre les bancs de l’école de la ZPS. Au collège, après sa classe de 5ième du CES (Collège d’Enseignement Secondaire), il poursuit sa scolarité au CET (Collège d’enseignement Technique).
Sa vie artistique commence d’ailleurs très tôt. Une flamme qui s’est allumée dès ses années tendres. En 1971, il déménagea du Q. 3 pour aller vivre chez sa sœur au plateau du Serpent. «Un soir, de retour du foot, je chante une chanson de Abdourahman Ras «rafiiqaygiyey» devant le grand guitariste-compositeur Abdi Ali Abrar alias “Chibbine” et mon beau frère. Celui-ci très étonné n’a pas manqué de me crier “Mais tu es un artiste-né !”» révèle-t-il en souriant. Celui-ci découvre le talent artistique du petit frère de sa femme et lui fit cadeau d’une guitare. Aïdarous s’essaie en cachette. Confiant, il fonce avec un seul objectif : confirmer son talent et apprendre à jouer cet instrument qu’il venait juste de recevoir. Quelques années seulement ont suffit à Aïdarous Abdi pour maîtriser la guitare.
Indépendantiste. Leader d’une grève déclenchée en 1975 par le mouvement des étudiants indépendantistes, il est exclu du collège. Peu après, il rejoint les rangs des indépendantistes à Mogadiscio et intègre le FLCS (Front de la Libération de la Côte de Somalie). Arrivé à la capitale somalienne, il fut aussitôt conduit à Halanlé (Ecole militaire) pour suivre une formation. Durant son séjour à Mogadiscio, il fit la connaissance du maitre du “Oud” Houdaydi qui lui consacre une attention toute particulière.
Neuf mois plus tard, avec l’appui du FLCS, il bénéficie d’un stage de formation de “Planification industrielle” et s’envole pour la Russie pour une période de 2 ans. Bien à l’aise dans la musique et persuadé d’y trouver sa voie, le jeune et prometteur artiste se perfectionne sur la guitare durant les deux années qu’il était en Russie. De retour au pays quelques mois après l’indépendance, Aïdarous est très sollicité et fait ses armes dans les rencontres entre amis, les rites sociaux tels que le mariage pour jouer le célèbre “Qaaci”. Un luth en solo. Du “Oud” et de la voix brute. Du “Qaaci” 100% djiboutien.
Auréolé de son succès, ce sera la consécration sans équivoque qui consolidera le jeune artiste dans son choix et l’encourage par la suite à envisager de faire carrière.
Parcours artistique. En 1978, il est sollicité par sa mère alors présidente de l’annexe de la LPAI (Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance qui est l’ancêtre de l’actuel parti RPP), pour participer comme musicien et chanteur à une soirée d’animation aux cotés des grands comédiens et compositeurs Ibrahim Gadhle et Ahmed Houssein alias “Jigjigawi”. Mako Robleh, la fondatrice de la troupe Sharaf Band voit le spectacle. Dès lors, elle remarque le potentiel artistique de ce jeune guitariste djiboutien et l’intègre dans sa troupe aux côtés d’Abdi Nour, Roda Ahmed, Nadifo, etc.
Par la suite, avec cette troupe “Sharaf Band” il jouera la guitare dans plusieurs pièces de théâtre musicales, à savoir «sir jacayl», «habar iyo habeenkeed », entre autres. La guitare sèche, l’Oud, la guitare électrique, les tambourins n’ont pas de secret pour lui. Comme on dit si bien chez-nous, l’homme a les doigts magiques.
Musicien passionné, éternel curieux, toujours guidé par le désir d’aventure, notre artiste quitte Djibouti en 1981 pour l’Arabie Saoudite. Sa vie artistique dans ce pays se résume par des mini-récitals qu’il produit par-ci et par-là chez des particuliers. De retour à Djibouti deux années plus tard, il rejoignit ses anciens compagnons de la troupe GACAN MACAAN. En 1984, lors de la création de la pièce musicale «taariikhdaa ka’xumaatee han talaalo jacaylka» d’Aden Dirieh alias «DACAR», il croise la route de la chanteuse Habiba Abdillahi. De leur union est né un petit garçon : Ibrahim.
Palmarès. Aïdarous s’est imposé avec les années comme un artiste reconnu, tissant étape par étape un lien unique avec son public à qui il est resté fidèle, instaurant avec lui un sentiment de confiance accompagné d’un fort capital de sympathie. Il multipliera ses apparitions, confirmant jour après jour son statut d’artiste vedette et signa durant cette période les mélodies de plusieurs pièces de théâtres musicaux. Il participe à presque tous les concerts de soutien : Fourchet, Qarchileh, Salem Zed alias “Hanjo Bouf”, Mark Aléo, etc. Aïdarous ne se produit pas seulement avec les groupes somalis, il a aussi joué plus de sept spectacles avec le groupe UDC (Union pour le Développement Culturel) et a composé les musiques d’une centaine de chansons.
Ce n’est pas tout. L’homme compose et chante aussi en français. En novembre 1992, le country bluesman américain Steve Young choisit Aïdarous pour se produire avec lui au théâtre des Salines et au Palais du Peuple. Durant ce spectacle, Aïdarous reprend des anciens tubes comme «hidiidiyoy hidii», «sida neefta waylaha», «inad kali wax garad tahay », etc. Ces chansons interprétées à l’origine par le grand chanteur Saîd Ismaël Bouh alias Said Hamarqodh, Ahmed Ali Egal ou Abdi Nour Allaleh pour ne nommer qu’eux, touchent le cœur d’un large public qui retrouve avec plaisir les aires de libération du chanteur dans ses interprétations. Outre ces interprétations en langue somali, Aïdarous fredonne durant ce spectacle plusieurs chansons en langue française:
“Tu sais chômer ça détruit/ Ca use tout individu/ Et en trainant dans les rues/ Un de ces jours on finit à la psychiatrie/ Condamné à vie.
Et “Ne t’en vas pas au Canada/Aides-moi à construire Randa/”.
Le marchand de bonheur. En Décembre 1995, avec le soutien du Centre Culturel Français Arthur Rimbaud (CCFAR), il produit plusieurs spectacles à Djibouti-ville et dans les districts de l’intérieur en compagnie du malien Boubacar Traoré alias Karkar. Toujours avec le soutien du CCFAR, en compagnie du comédien Moussa Hassan Moussa, il bénéficie en janvier 1998 d’une tournée à Abidjan en Cote d’Ivoire. Il se produit sur scène avec le fameux groupe musical ‘‘Kotéba’’ et côtoie sur la scène avec les musicien de Cocody et il participe à la musique d’une publicité pour pagnes à la télévision ivoirienne (Kora, Jembe, Oud).
Notons aussi qu’Aïdarous, en compagnie de Moyaleh, Abayazid Badri et les autres, s’est produit à deux reprises auprès des malades de la section psychiatrique de l’hôpital Peltier.
Actuellement Aïdarous est responsable de la caisse sociale des artistes à l’Office Djiboutien des Droit d’Auteur (ODDA). Il envisage d’enregistrer un CD de son répertoire, suivi d’un concert dans la salle de spectacle de l’Institut Français Arthur Rimbaud (IFAR). Reconnu pour être généreux et passionné, parions qu’Aïdarous n’a pas fini de créer et de jouer pour le bonheur de chacun de ses fans d’aujourd’hui et à venir.
Rachid Bayleh
The post Aïdarous Abdi Ibrahim : Le guitariste djiboutien le plus talentueux appeared first on La Nation.